L’épisode 7 de REGARDS CROISÉS donne la parole à une professionnelle de la médiation. Une approche  pour avancer autrement sur la résolution de problèmes à forte dimension relationnelle et se prémunir des impacts individuels et collectifs d’un conflit en entreprise.

 

Le regard de Charlie, le/la collaborateur« Depuis mon arrivée au sein de l’entreprise, Sacha m’a toujours donné l’impression que je ne faisais pas correctement mon travail. J’ai sans cesse la sensation de l’exaspérer. Nous avons déjà eu, à plusieurs reprises, quelques explications houleuses et nos managers ont même tenté d’intervenir en redéfinissant bien nos rôles et nos périmètres d’intervention. Depuis, je n’ai rien dit pour ne pas « faire de vagues ». La mise en place du télétravail a rendu nos interactions encore plus difficiles et ses attaques, plus agressives et dévalorisantes. Lors de la dernière réunion d’équipe, il m’a violemment accusé de faire de la rétention d’informations, ce qui n’est pas du tout le cas. J’ai la boule au ventre à chaque fois que je reçois un mail de sa part, je dors très mal et j’ai perdu l’appétit. J’ai décidé d’en parler à Dominique, mon manager ». 

Le regard de Dominique, le/la manager

« J’ai constaté de nouvelles tensions entre Sacha et Charlie ces derniers temps. Le conflit a l’air de s’envenimer malgré les mises au point, il y a quelques semaines. Je m’inquiète pour Charlie qui semble très impacté par la situation.  

 Le regard d’Andréa, le/la RH : 

« Dominique, avec qui je viens d’échanger, semble bien démunie face au conflit ouvert entre Sacha et Charlie. Malgré de précédentes mises au point, nous n’arrivons même plus à remonter à l’origine du problème. Cette situation, devenue très personnelle, tient probablement en grande partie à une question de perception, à des interprétations mais engendre une atmosphère de travail très négative pour tous. Il nous faut absolument intervenir avant qu’un cercle vicieux ne s’enclenche.

La distance n’arrange pas les choses et accentue davantage les dysfonctionnements préexistant en présentiel. Il faut rappeler que la synchronisation entre l’intention et la perception viendrait pour 55% de l’observation inconsciente de la gestuelle de l’interlocuteur, 37% du ton utilisé et 7% des mots. Cela ne veut pas dire que les mots sont totalement insignifiants mais que pour être convaincants, ils doivent s’accompagner d’un ton et d’une gestuelle cohérents. Pour communiquer, Sacha et Charlie utilisent principalement le mail et se privent ainsi d’une possibilité de se synchroniser et de s’expliquer.

Il est attendu d’un manager de savoir prévenir les conflits dans son équipe et de pouvoir les gérer. Sans jamais retirer cette responsabilité au manager, je suis parfois amené à intervenir dans ce genre de situation du fait de ma « neutralité ».

Dans le cas présent, et pour prévenir une dégradation de la situation, il me semble que l’intervention d’un professionnel externe serait appropriée.

J’ai entendu parler de la médiation. Introduire ce type d’approche en prévention ou en traitement des conflits contribuerait probablement à sensibiliser nos collaborateurs à l’importance accordée à la qualité de la relation dans nos équipes. Cela pourrait également constituer un excellent outil de formation pour nos managers.

 J’ai pris RDV avec une professionnelle de la médiation en entreprise : Virginie PILLIAS JACQUILLAT de INTERMÈDE. Je pourrai ainsi mieux cerner comment son intervention peut venir en complément des actions managériales et ancrer notre culture de l’écoute et de la collaboration ». 

Le regard de Virginie Pillias-Jacquillat, Société INTERMÈDE, médiation en entreprise :

 « La médiation est utile lorsque malgré les tentatives de résolution via la voie hiérarchique, la situation reste difficile au sein d’un collectif de travail. Ce n’est pas une discussion ordinaire d’équipe, ni un espace d’arbitrage, de jugement ou un tribunal.

Andréa vient me consulter pour des tensions relationnelles de longue date, entre Charlie et Sacha.

En tant que médiatrice, je peux intervenir pour rétablir un climat de travail plus serein entre les deux collaborateurs. En effet, la médiation est un processus qui permet d’avancer autrement sur des problèmes qui impliquent une forte dimension relationnelle.

Il est vraiment pertinent en cas de conflits enkystés, comme ici, de faire appel à la médiation pour éviter des dommages aussi bien pour l’entreprise : absentéisme, baisse de productivité, que pour le salarié : dégradation de sa santé physique et mentale.

Un problème professionnel peut se résoudre, dès lors qu’il peut être mis en mot. C’est le contexte relationnel dégradé qui est à l’origine des conflits et non les désaccords de points de vue.

Mon rôle est d’aider les personnes à trouver ensemble des solutions sans intervenir sur le fond, puisque c’est bien la tension relationnelle qui est à l’origine du conflit.

La médiation s’articulera en deux temps :

  • S’ils sont d’accord pour me rencontrer, je recevrai Sacha et Charlie séparément en entretien individuel avec pour objectif d’écouter chacun dans « sa vérité ». Cela me permettra également de présenter à chacun le cadre de la médiation : le médiateur est un tiers neutre, impartial, externe à la situation. Le cadre de la médiation offre aux personnes un espace protégé par la confidentialité, qui permet à chacun de s’exprimer librement car en sécurité.
  • Si Sacha et Charlie sont volontaires, j’organiserai une voire deux séances plénières de médiation.                  Dans un premier temps, les blocages ou difficultés seront évoqués. Chacun pourra s’exprimer, sans être interrompu, dans un climat relationnel sécurisé pour permettre aux émotions d’être nommées. J’utiliserai différents outils, comme par exemple le questionnement ou la reformulation, pour aider Charlie et Sacha à mieux comprendre comment l’autre vit la situation. Je veillerai à maintenir un cadre facilitant le dialogue entre eux, en étant attentive à Charlie et Sacha et à la progression des échanges.

La médiation permettra à Sacha et Charlie de comprendre ce qui s’est passé pour qu’on en arrive là et d’entendre les souffrances et besoins de leur collègue.

Après cette prise de conscience mutuelle, je créerai un espace de créativité pour envisager des solutions durables, prenant en compte les besoins et demandes de chacun, pour que des solutions concrètes puissent être mises en œuvre ». 

 Le regard de Camille, le/la RH : 

« Je constate que la médiation est de plus en plus utilisée pour permettre de prévenir et de régler les différends en entreprise.

Cela s’explique par ses nombreux avantages. La médiation permet de soustraire un litige à l’aléa caractérisant toutes procédures judiciaires. En effet, les médiés construisent par eux-mêmes une solution adaptée à leurs besoins et à leur situation précise. La médiation est également un processus beaucoup plus rapide et généralement moins coûteux qu’une procédure judiciaire.

La médiation peut être judiciaire, lorsqu’elle intervient dans le cadre d’une procédure déjà engagée devant une juridiction, ou conventionnelle, lorsqu’elle intervient en dehors de toute procédure judiciaire. La médiation conventionnelle se définit comme « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence » (article 1530 du Code de procédure civile).

En pratique, la médiation conventionnelle « intra-entreprise » est souvent mise en place sur proposition du service des ressources humaines de l’entreprise et nécessite toujours l’accord des collaborateurs concernés. Parfois, la médiation a lieu sur proposition d’un salarié. Cette situation est d’ailleurs expressément prévue en cas de harcèlement moral par l’article L.1152-6 du Code du travail qui prévoit que : « Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause ».

Le médiateur conventionnel doit satisfaire des conditions de non-condamnation et de qualification, de formation ou d’expérience, prescrites à l’article 1533 du Code de procédure civile. Les cours d’appel tiennent des listes de médiateurs, généralement accessibles depuis Internet.

Je suggère à Dominique et Andréa de proposer à Charlie et Sacha de rencontrer Virginie PILLIAS-JACQUILLAT, afin qu’elle leur présente le cadre de la médiation. S’ils acceptent tous les deux, alors Virginie pourra les recevoir lors d’entretiens individuels ».

 

Le conseil Regards Croisés :

L’employeur a l’obligation légale de prendre « toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». La médiation, en particulier lorsqu’il est question de risques psychosociaux (stress, harcèlement moral ou sexuel, violences…), peut s’inscrire dans cet objectif de protection des collaborateurs. 

L’intervention d’un tiers peut être judicieuse, voire nécessaire, lorsque le conflit paralyse le fonctionnement du service, malgré les interventions des RH et/ou des managers. Il est important de veiller à bien positionner son intervention vis-à-vis des collaborateurs en conflit et de l’équipe, sans déposséder ni décrédibiliser le manager dans son rôle. 

Il est utile de sensibiliser en priorité certains collaborateurs de l’entreprise, comme les RH ou les managers, à la médiation, et même les former à certaines méthodes utilisées en médiation.

Article rédigé par Emmanuelle Foulonneau (Cabinet EFFIBÉ) et Claire Fauré (Cabinet Claire Fauré Avocat) et Virginie Pillias-Jacquillat (Intermède).

Vous souhaitez en savoir plus ? Vous souhaitez adapter votre dispositif de prévention des risques-psychosociaux ? Vous souhaitez former vos RH ou/et vos managers et leur donner les moyens supplémentaires d’anticipation et de gestion des conflits ? N’hésitez pas à nous contacter. 

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