REGARDS CROISÉS est une série d’articles en 4 dimensions sur le monde du travail, qui vous fait voyager dans des situations concrètes de la vie en entreprise. Une vision à 360° pour prendre du recul et trouver des solutions constructives pour tous !

Episode 2 : Développement des compétences et agilité des organisations

En quoi le développement et le partage de compétences sont-ils des atouts clés pour rester agiles dans un contexte bouleversé et incertain?

La situation : Charlie, commercial, est en télétravail en raison du confinement. Le lancement d’un nouveau produit est prévu prochainement et malheureusement, toute l’équipe marketing est en arrêt-maladie. Or, le plan marketing n’est pas encore finalisé. Charlie décide de s’atteler à la tâche avec l’aide à distance de sa manager, Dominique. Finalement, il s’aperçoit que ce domaine lui plaît beaucoup.

La demande de formation de Charlie, le collaborateur : « Cette expérience en marketing a aiguisé ma curiosité et j’ai franchement envie d’en apprendre davantage. J’ai regardé si je pouvais utiliser les 1.500€ de mon CPF pour faire une formation dans ce domaine. J’en ai trouvé une en septembre qui m’intéresse, mais elle dépasse mon budget CPF. Je vais demander à Dominique, ma manager, si l’entreprise serait prête à participer au financement de cette formation ». 

La première réaction de Dominique, la manager : « Charlie m’a informée qu’il souhaitait participer à une formation marketing. Il n’en a pas besoin dans son poste actuel. Ceci dit, je vois bien, avec la période de confinement, qu’il est important de construire des compétences transversales. J’apprécie beaucoup la curiosité de Charlie et sa motivation constante pour apprendre. En revanche, je n’ai aucune idée de la politique de l’entreprise en la matière. Je vais faire le point avec Camille et Andréa ». 

La réponse de Camille, la juriste : « L’employeur a trois obligations en matière de formation professionnelle. Il doit : 

1°) adapter le salarié à son poste de travail ; 

2°) veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper son emploi ; 

3)° faire suivre au salarié toute action de formation conditionnant l’exercice d’une activité ou d’une fonction. 

Parallèlement, l’employeur a également la faculté de proposer des formations participant au développement des compétences. 

Toutes ces formations, qu’elles soient obligatoires ou facultatives, peuvent être recensées dans un document dénommé « plan de développement des compétences ». 

L’accès à la formation professionnelle est également assuré par la mobilisation, à l’initiative du salarié, de son Compte Personnel de Formation (CPF), qui peut, notamment, lui permettre de suivre une formation dite « éligible ». 

Ce compte est alimenté en euros, jusqu’à hauteur, sous certaines conditions, de 500€ par an, dans la limite d’un plafond total de 5.000€. Lorsque le coût d’une formation est supérieur au montant des droits inscrits sur le CPF, le Code du travail prévoit que le compte peut faire l’objet, à la demande du salarié, d’ « abondements », c’est-à-dire de versements en droits complémentaires. Ces abondements peuvent être financés notamment par l’employeur. 

Charlie souhaite être formé dans un domaine relevant d’un autre métier que le sien : nous n’avons donc pas l’obligation légale de le former en marketing. 

Ici, Charlie a déjà repéré une formation et il entend, de sa propre initiative, mobiliser son CPF pour pouvoir y assister. Il a certainement dû s’assurer du caractère éligible de cette formation au CPF en consultant son espace personnel sur le site www.moncompteformation.gouv.fr, et vérifier le montant de ses droits, qui s’avèrent insuffisants. 

 D’un point de vue légal, nous pouvons choisir d’abonder, ou non, son CPF, pour lui permettre d’assister à sa formation en septembre. Notre décision relèvera de la politique de l’entreprise en matière de formation professionnelle et devra s’inscrire en cohérence avec notre accord collectif : je vais donc me rapprocher d’Andréa pour lui en parler ». 

 Le point de vue d’Andréa, le RH : « La demande de Charlie tombe à point nommé. Nous avons déjà mis en place des actions pour développer les compétences de nos collaborateurs, comme des catalogues de formations techniques pour les préparer à l’évolution des métiers et des formations transversales pour développer leur capacité à travailler en équipe. Nous avons également entamé une réflexion sur les compétences managériales et avons lancé des parcours de formation managers. 

Malgré tout ce dispositif, nous nous sommes aperçus d’un certain nombre de points pendant la période de confinement : 

 1°) l’absence de certains collaborateurs peut mettre un projet à risque si personne ne peut les remplacer ou ne dispose des informations nécessaires. Certaines compétences ne sont donc pas suffisamment partagées ou même formalisées. 

2°) le passage à un management à distance a été plus ou moins facilement vécu par les managers. Certains ont voulu sur-contrôler, ce qui a renforcé la tension dans les équipes. D’autres managers, mieux formés, ont au contraire privilégié la confiance et adapté leur mode de fonctionnement à la distance. Le résultat a été une augmentation de l’autonomie, de la responsabilité et de la solidarité.

3°) enfin, certaines équipes et collaborateurs, comme Charlie, se sont immédiatement attelés à apprendre de nouvelles façons de faire, à utiliser de nouveaux outils, à travailler différemment. Cette mobilisation positive est principalement due à la façon dont les initiatives et l’entraide ont été encouragées et valorisées et également à la plus ou moins grande habitude des équipes à se remettre en question, à innover. 

Je retiens pour le moment de tout cela qu’il nous faut absolument identifier les compétences-clés dans chaque métier et développer des actions de transfert de compétences, peut-être par la mise en place de binômes, tuteurs ou référents. Cette expérience démontre aussi l’importance de pousser des actions de partage d’expériences, d’expérimentation, d’apprentissages individuels et collectifs, afin de renforcer la capacité d’innovation et d’adaptation des équipes. 

Enfin, cela me renforce dans l’idée qu’il est important de faire monter les managers en compétence. 

En définitive, la demande de Charlie démontre 1°) qu’il s’est déjà renseigné sur son CPF et qu’il a envie d’apprendre et d’expérimenter des choses nouvelles : c’est un état d’esprit que je souhaite inciter dans l’entreprise 2°) que la formation visée n’est pas directement nécessaire à son poste actuel mais sa manager le soutient ; Charlie est motivé et le confinement a montré que des compétences transversales ont intérêt à être partagées 3°)  et, comme souligné par Camille, sa demande s’inscrit en cohérence avec notre accord collectif en matière d’abondement au CPF. 

           

           Le conseil Regards Croisés : 

 

1°) Clarifier les compétences dont vous avez besoin aujourd’hui et celles dont vous aurez besoin demain pour atteindre vos objectifs et identifier comment sécuriser ces compétences, les développer ou les acquérir.

3°) Encourager et valoriser l’apprentissage, l’expérimentation, les démarches de coopération et le transfert de compétences, et ce, à tous les niveaux de la politique des RH. 

4°) Rendre acteur chaque collaborateur dans le développement de ses compétences, notamment au moyen des entretiens professionnels biennaux consacrés aux perspectives d’évolution professionnelle et des compétences associées. À cette occasion, les différentes modalités de parcours de formations et leurs possibilités de financement sont précisées. 

5°) Conclure des accords collectifs prévoyant des modalités d’alimentation du CPF plus favorables et/ou définissant les actions de formation éligibles au CPF pour lesquels l’employeur s’engage à financer des abondements en droits complémentaires.

NB : Si vos salariés ont été placés en activité partielle en raison de la crise du covid-19, vous pouvez leur rappeler qu’ils continuent à bénéficier, pendant les périodes où ils ne sont pas en activité, de formations à distance concourant au développement de leurs compétences. À noter également que le FNE-FORMATION a été renforcé de manière temporaire, afin de répondre aux besoins des entreprises en activité partielle par la prise en charge des coûts pédagogiques.

(https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/accompagnement-des-mutations-economiques/appui-aux-mutations-economiques/article/conventions-de-fne-formation)

Article rédigé par Emmanuelle Foulonneau (Cabinet EFFIBÉ) et Claire Fauré (Cabinet Claire Fauré Avocat)

Vous souhaitez échanger sur les différents scénarios de dé-confinement ? Vous souhaitez accompagner la montée en compétence de vos managers à distance ? Vous vous demandez comment développer le transfert de compétences dans votre entreprise ? Vous vous interrogez sur la pertinence et les modalités de formation de vos collaborateurs en chômage partiel ou à distance ? N’hésitez pas à nous contacter. 

À bientôt pour un prochain article, 

                                                                  Emmanuelle FOULONNEAU et Claire FAURÉ

 

Pour découvrir ou redécouvrir l’épisode 1 sur la mise en place de modalités efficaces de télétravail, cliquez sur ce lien : https://www.effibe.fr/le-teletravail/