Dialogue social : une explosion de nouveaux concepts
Le vocabulaire autour de la vie au travail s’est enrichi et positivé sur les derniers mois avec de nouvelles appellations comme « le mieux vivre » (qui, à mon avis, à un goût de « petit joueur »), « le bien-vivre », le « plaisir au travail », le « bien-être » et parfois même le « bonheur au travail » que, pour ma part, je trouve totalement hors limite et réservé aux philosophes (André Comte-Sponville fait d’ailleurs des conférences passionnantes sur ce sujet).
Cette évolution est intéressante quand on sait que le terme de bien-être professionnel faisait sourire une majorité de comités de direction, il y a encore peu de temps. Et pourtant, il est aujourd’hui utilisé pour de nombreuses enquêtes auprès des employés, fait la une des magazines et s’affiche dans tous les bons catalogues de formation.
Cette évolution des termes est-elle révélatrice d’une nouvelle réalité en entreprise ? Les enquêtes nationales semblent dire que « non ».
En revanche, ces questions de vocabulaire qui pourraient paraître anecdotiques révèlent, sans aucun doute, une évolution de la réflexion de notre société, une prise de conscience de la nécessité de remettre l’humain aux commandes de la réussite des organisations.
Le dialogue social permet de faire de la prévention :
Ces nouveaux termes dénotent probablement aussi une volonté de reprise de contrôle, en passant d’un mode curatif : le mal-être est là et je le soigne, à un mode préventif : je crée les conditions nécessaires qui éviteront le mal-être et permettront à l’organisation d’être plus performante grâce à des individualités et des collectifs plus épanouis.
Il faut dire que le choix du terme Risques Psycho-Sociaux pour travailler sur le curatif est franchement rédhibitoire. Il faut d’abord une robuste explication de texte pour comprendre ce que cela veut dire et, ensuite, la juxtaposition de ces 3 mots (ou des 3 lettres) fait tellement peur que la plupart des directions n’osent même pas la prononcer, de crainte de provoquer la panique des employés et de faire fuir les nouveaux diplômés. Difficile de s’emparer d’un sujet dont on n’ose pas prononcer le nom. Il est certain que « plaisir au travail »ou « bien-être au travail » sonne beaucoup mieux … D’ailleurs, entre nous, les Français ont été un peu lents en la matière, puisque le terme « Well Being » est déjà communément utilisé depuis de nombreuses années aux US, au Canada , ou dans les pays nordiques.
Mais attention, au-delà des effets de langage, les mots ont une signification et il est contre-productif d’afficher des termes de bien-être professionnel en entreprise quand il n’y a ni engagement réel ni actions concrètes derrière.
Par exemple, il est évident que lancer une enquête qui s’appelle « Le bien-être au travail « créera des attentes auprès des employés. Et pourtant, combien d’entreprises l’ont fait et ont décidé de ne pas partager les résultats avec leur organisation parce que ce n’est pas si facile de communiquer les enseignements ou parce que l’on se dit que ce n’est pas le bon moment, ni la priorité ?
Bien clarifier dès le départ nos objectifs et les ressources que l’on est prêt à allouer permet de choisir le terme, les moyens et la communication adaptée à notre démarche. Le niveau d’attente de l’organisation sera alors aligné avec l’objectif annoncé et donc accessible.
Les risques psycho-sociaux et le bien-être au travail n’impliquent pas les mêmes actions :
Lutter contre les RPS et développer le bien-être professionnel ne signifient pas la même chose, ni les mêmes actions. Prévenir et lutter contre les RPS est un devoir de santé publique et une obligation de protection de la sécurité des employés. Afficher une volonté de développement du bien-être professionnel est une démarche positive qui inclut nécessairement la prévention des RPS mais a pour objectif d’aller au-delà, en créant un projet de cohésion dans lequel tous les acteurs de l’entreprise sont partie prenante. Intégrer le bien-être professionnel comme critère de gestion, ce n’est pas une obligation, c’est un choix, un projet d’entreprise et également un levier de développement de la performance.
Le point commun des deux démarches est la nécessité d’une parfaite cohérence entre la volonté affichée et les réalisations concrètes, point de départ de la construction d’un dialogue avec l’ensemble des acteurs de l’entreprise.
Des expériences ou un avis à partager sur ce sujet ?
Merci pour cet article plein de bon sens et de pragmatisme. « Well being »: que cette notion figure parmi les critères de gestion d’une entreprise ne me parait pas du tout superfétatoire, encore faut-il comme le souligne effibé,rédacteur de l’article, que cette entreprise propose à tout son personnel un projet cohérent, projet motivant et fédérateur.Ce projet devra développer l’ANIMUS, l’esprit d’entreprise et l’adhésion des collaborateurs aux moyens et aux objectif fixés ;Ceci passera par l’engagement actif des encadrants à tous les niveaux qui devront s’efforcer de mieux écouter et mieux informer leurs collaborateurs sur les objectifs et les résultats de l’entreprise;
Claude
Cet article me ramène à ma propre expérience en tant que responsable ressources humaines. La première fois que le sujet du « mal-être » ou « souffrance au travail » a été discuté en CHSCT, il nous a fallu plusieurs sessions de discussion animées pour nous mettre d’accord sur la communication que nous voulions faire en commun aux salariés : les représentants du personnel voulant utiliser le mot de « souffrance », le service médical celui de » risques psychosociaux » et la direction de « niveau de satisfaction de la vie au travail ». Cette discussion m’avait paru pénible sur le coup mais avec un peu de recul je m’aperçois qu’elle nous a permis dès le départ d’engager un vrai dialogue, de partager nos divergences et d’arriver à construire un plan d’action en commun. Je recommande ce type de « déclencheur de dialogue » .
Merci à effibé d’avoir ravivé cette expérience enrichissante . Guy
Merci à Claude et à Guy pour leurs commentaires.
Il est vrai que effibé conseille toujours à ses partenaires de passer d’abord par une phase de discussion et de dialogue avec leurs partenaires sociaux avant d’engager une démarche visant à développer le bien-être professionnel. Tout d’abord parce que le CHSCT est un comité multi-disciplinaire dont la mission est de traiter de ce type de sujet. Ensuite, parce que cette discussion ne peut qu’être enrichissante puisqu’elle apportera les perspectives variées du service médical et des représentants du personnel qui constatent ou vivent des choses parfois différentes dans la même entreprise. Enfin parce que le développement du bien-être professionnel dans une entreprise est l’affaire de tous et dépend donc de l’adhésion de chacun à ce vrai projet d’entreprise…et cela commence par l’adhésion et l’engagement de l’ensemble des membres du CHSCT. La meilleure façon d’adhérer à un projet c’est d’être inclus dès le départ dans la définition des objectifs et de la méthode.
Je me souviens d’une société chez qui effibé est intervenu qui m’a rapporté plusieurs mois après notre intervention comme cette création du dialogue avait changer radicalement les interactions avec leurs partenaires sociaux sur les autres sujets en créant plus de proximité et de confiance.. Cette création d’adhésion doit ensuite être « déployée » au niveau du comité de direction puis des collaborateurs et c’est là que la façon d’informer et de faire participer les salariés est clé dans l’appropriation d’un tel projet par chacun. Les questionnaires parfois déployés à toute une organisation sans avoir pris le temps du dialogue , de la définition des objectifs et de leur communication aux collaborateurs peuvent être perçus comme « un faire semblant » . Vigilance, donc…
L’association des partenaires sociaux – en profondeur – est en effet indispensable tant le sujet du bien être est au coeur du travail, de son évolution et de la transformation des organisations. Mais la question critique du déploiement que souligne très justement EFFIBE concerne tout autant, au delà du comité de direction, l’ensemble des managers opérationnels, qui ont les leviers de la mise en oeuvre.
Le thème du bien être au travail rencontre une forte attente de la part des salariés. Mais il se développe précisément dans un contexte économiquement et socialement exigeant où les solutions ne peuvent pas uniquement « tomber d’en haut ». Il appelle engagement mais aussi innovation de la part des managers. La réussite du développement du bien être au travail c’est sans doute la rencontre entre des politiques d’entreprise élaborées, soutenues et concertées, et, par ailleurs, des initiatives de terrain, adaptées, évolutives, qui permettent de trouver le bon chemin dans un champ de contraintes de plus en plus élevées. Le rôle des managers est donc essentiel ; il doit être soutenu par un plan d’accompagnement qui développe les compétences et crée la confiance.